Hugo Chavez a été le maître d’œuvre d’un plan de protection diplomatique de son régime au Venezuela à travers Petrocaribe. Une stratégie qui a été mise en application par Rafael Ramirez pendant des années, un de ses hommes forts, mais qu’a finalement hérité Nicolas Maduro, et a fini par servir d’autres gouvernements comme celui de Daniel Ortega et son épouse Rosario Murillo Au Nicaragua / FERNANDA LEMARIE, CHANCELIÈRE D’ÉQUATEUR
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La clé du soutien international qui continue à maintenir le régime de Nicolas Maduro au Venezuela et qui l’aide à éviter l’isolement complet a un nom propre : Petrocaribe. Un plan énergétique et de coopération qui a injecté plus de 28 000 millions de dollars dans 14 pays, mais qui dans la pratique a servi à l’achat de soutiens diplomatiques. Ainsi, les ressources d’un peuple acculé par la pénurie et avec une inflation d’un million de pourcents l’année dernière, dans certains cas a fortifié des groupes de pouvoir local dans différents pays, et dans d’autre, se sont traduits en corruption et famine.

Trois des réalités les plus complexes d’Amérique Latine sont interconnectées à des centaines de kilomètres par un facteur commun : le pétrole vénézuélien. D’un côté au Venezuela, pays possédant les plus grandes ressources pétrolières du monde entier, le peuple vit une urgence humanitaire pendant que le gouvernement qui la nie est considéré illégitime par une bonne partie de la communauté internationale. D’un autre côté à Haïti, ses habitants réalisent de plus en plus de protestations furieuses demandant des comptes quant au sort de milliers de millions de dollars qui sont arrivés en tant que coopération pour garantir une vie différente suite au tremblement de terre de janvier 2010 qui a provoqué plus de 300 000 morts et des millions sans-abri, mais qui s’est au contraire traduit par l’intensification des misères. Pendant ce temps-là, au Nicaragua, le régime sandiniste de Daniel Ortega vient de célébrer ses 12 ans au pouvoir en accroissant sa grande fermeté contre les droits de qui le critiquent, suite à la perte de la stabilité qu’il a eue pendant des années du fait de la réduction du flux de fonds qui arrivaient du Venezuela avec la chute des prix du pétrole.

Le Venezuela, un pays ayant les plus grandes ressources pétrolières du monde entier, a souffert de la pénurie d’aliments et du manque d’offre au cours des dernières années / RAYNER PEÑA, « EL PITAZO » VENEZUELA

Ce fut Hugo Chavez, dans le renforcement de son idéologie bolivarienne en Amérique Latine qui a imaginé cette stratégie de pair avec le boom pétrolier avec lequel il s’emploierait à la consolidation de sa politique socialiste. Pendant le sommet de Puerto La Cruz, Venezuela, lors duquel a été créé Petrocaribe en 2005, il a ratifié la vision selon laquelle il était en faveur de l’accord énergétique. Selon ses dires, les projets à réaliser devaient « donner le pouvoir des droits » aux populations des pays bénéficiaires, favoriser « l’élimination de la pauvreté » et garantir la « disponibilité et accessibilité à la santé, à l’éducation et au micro-financement de coopératives, de petites et moyennes industries », entre autres objectifs.

Pour cette enquête de #Petrofraude, une équipe journalistique de cinq médias, a vérifié en détail l’information disponible de l’ambitieux programme dans les 14 pays bénéficiaires et a réalisé du travail de terrain au Nicaragua, à Haïti, en République Dominicaine, Au Salvador, en Guyane et au Venezuela pour confronter ce qu’est devenue la manne qui est arrivée de la part du charismatique gouvernant, qui, dans les moments d’opulence, s’enorgueillissait d’œuvrer pour vaincre l’inégalité dans son pays et de tracer le chemin pour le reste du continent en montrant Petrocaribe comme un modèle sans précédents de relations internationales solidaires.

Cependant, l’enquête de #Petrofraude démontre que ces objectifs n’ont pas été atteints au pied de la lettre et que, depuis le début, la stratégie a été autre : garantir des appuis diplomatiques lors de forums internationaux et rechercher l’expansion régionale du socialisme bolivarien vénézuélien. La stratégie a même permis à Nicolas Maduro de résister à un croissant isolement international qui a eu sa plus récente expression quand une majorité de 19 gouvernements de la région ont désavoué sa nouvelle période comme président du Venezuela considérant frauduleuses les élections qui lui ont permis d’être réélu pour six ans. Dans ce contexte, un groupe de pays caribéens et centraméricains bénéficiaires de l’accord ont fait partie du bloc de ceux qui ont reconnu sa légitimité et se sont abstenus de la remettre en question lors de la session du Conseil Permanent de l’Organisation des États Américains du 10 janvier 2019, date coïncidant avec la prise du pouvoir pour débuter son deuxième mandat.

Dans des documents officiels, la chancellerie vénézuélienne a décrit le bloc de bénéficiaires des crédits pétroliers comme une barrière de protection internationale. « La conception stratégique d’action extérieure du Venezuela envers la région est passée par la définition et les renforcements des anneaux de protection géopolitique constitués par l’ALBA et Petrocaribe comme premier anneau », a été signalé dans le Mémoire et Compte du Ministère des Relations Extérieures vénézuélien en 2015. Ce fut la même année que le président de l’époque Barack Obama a catalogué dans un ordre exécutif le Venezuela comme une menace pour la sécurité nationale de son pays.

La conception stratégique d’action extérieure du Venezuela envers la région est passée par la définition et les renforcements des anneaux de protection géopolitique constitués par l’ALBA et Petrocaribe comme premier anneau” — Mémoire et Compte du Ministère des Relations Extérieures vénézuélien en 2015

Comme deuxième et troisième anneau dans le même dessein « de défense et garantie de la souveraineté nationale » ont été mentionnées l’Union des Nations Sud-américaines (Unasur) et la Communauté des États d’Amérique Latine et des Caraïbes (Celac), également stimulées par le Venezuela. La métaphore des anneaux, propre du langage militaire, reflète la vision du gouvernement de Caracas en ce qui concerne l’importance géopolitique de la coopération pétrolière et explique les étapes de sa diplomatie. (Voir carte : “Anneaux de sécurité”)

Avec la mort de Chavez et l’arrivée de Nicolas Maduro au pouvoir, loin de se suspendre le plan, il a été maintenu coûte que coûte conformément aux directives qui avaient déjà été établies. Cela a inclus le pari de la part des dirigeants locaux qui puissent être en faveur de la cause socialiste et du système de compensations dans lequel les grands volumes de pétrole du Venezuela, étaient traités en échange d’aliments, d’une part, et de l’autre sous crédits payables en 25 ans au plus avec des taux d’intérêts qui ne dépassaient pas 2,5 pourcent par an.

La cascade d’argent, qu’a représenté l’injection d’environ 28 000 millions de dollars desquels près de la moitié se sont transformés en les prêts à des conditions favorables, a impliqué un défi pour la transparence de l’institutionnalité régionale qui n’a pas relevé le défi. La gestion des fonds, selon l’évidence recueillie par #Petrofraude, s’est faite dans un environnement d’opacité en ce qui concerne les contrôles appliqués à l’intérieur et en dehors de la plateforme conçue pour que l’argent circule, ce qui a facilité l’apparition de schémas de détournements de ressources qui ont bénéficié à la consolidation d’autres régimes politiques qui sont aujourd’hui à la une de l’actualité, comme le cas de l’Ortéguisme au Nicaragua.

Dans ce cas, Chavez a mis dans son réseau le soutien avec ces fonds à Daniel Ortega quand il était alors candidat pour la Présidence du Nicaragua aux élections présidentielles célébrées en 2006. L’ex-commandant du Front Sandiniste de Libération Nationale (FSLN) avait exercé la présidence du Nicaragua entre 1980 et 1990, mais n’avait pas pu revenir au pouvoir après trois essais. Sept mois avant le scrutin de novembre, il a été invité d’honneur de Chavez au palais présidentiel de Miraflores à Caracas pendant la signature d’une convention qui a permis l’envoi de 82 000 galons de diésel aux maires sandinistes, qui l’ont distribués parmi transporteurs, agriculteurs et éleveurs quatre semaines avant le scrutin. À partir de ce moment, les ressources qui sont arrivées en un rien de temps du Venezuela sont devenues le label de la gouvernabilité qu’Ortega a obtenu y compris avec les entrepreneurs les plus traditionnels de son pays et de l’élite centraméricaine, qui, tant qu’il y avait des ressources n’ont pas remis en question le mandataire. (Voir note : “L’aide financière qui fabrique des alliés”)

Le défunt président Hugo Chavez, son successeur et ex-chancelier, Nicolas Maduro (gauche) et l’ex-président de Pdvsa, Rafael Ramirez (droite). / EFRÉN HERNANDEZ, « LE NATIONAL » VENEZUELA

L’exemple du Nicaragua est loin d’avoir été une exception dans la région, où les crédits pétroliers vénézuéliens ont aidé à catapulter ou consolider au pouvoir des alliés politiques de Chavez et Maduro, mais de la même manière l’affaiblissement des prix internationaux leur ont ensuite posé des problèmes. En fait, la crise du pays centraméricain entre les mains d’Ortega est en bonne mesure associée à l’affaiblissement de l’économie locale suite à la réduction de l’aide vénézuélienne.

Compte tenu de l’inventaire réalisé par #Petrofraude, la diplomatie du Nicaragua, celle de Saint-Vincent-et-les-Grenadines et celle de la Dominique apparaissent comme les plus consistante dans le réseau de soutien. Le cas du pays centraméricain se distingue en raison des soutiens réciproques offerts entre 2017 et 2018 quand des protestations politiques réprimées dans chacun des deux pays ont provoqué environ 500 morts au total et des accusations contre Maduro et Ortega d’appliquer y compris la force létale à travers des groupes paramilitaires consentis par ces deux gouvernements. Le bloc de ceux qui se sont « harmonisé » avec le régime actuel du Venezuela comprend en outre des pays comme Antigua-et-Barbuda, Belize et la Grenade entre autres, qui, en dépit d’être très petits en territoire et population, ils ont des votes de la même valeur dans les différents forums internationaux, en particulier à l’OEA, où « l’anneau de protection » des gouvernements du Venezuela, a pleinement atteint son objectif.

Rafael Ramirez, ex-ministre du Pétrole, ex-président de Pdvsa et un des promoteurs des conventions alors qu’il servait Chavez, n’a pas évité le sujet en interview avec des journalistes de #Petrofraude. « Nous nous retournons à notre espace naturel géopolitique. Nous avons fait une politique différenciée pour des peuples qui sont très petits, des îles très petites, mais qui sont en fin de compte des pays souverains. Si cela nous a donné une extraordinaire présence géopolitique ? Oui, bien sûr. Et pourquoi ne le ferions-nous pas si tous les pays le font ? Les États-Unis le font, les anglais le font, les mexicains le font ».

L’ex-fonctionnaire, sollicité par la justice dans le cadre d’un fort affrontement avec Maduro, affirme que les volumes transportés étaient relativement faibles pour Pdvsa et permettait de capitaliser un effet multiplicateur dans les relations internationales. Officiellement, c’est un sujet que des fonctionnaires du pays promoteur et des bénéficiaires ont l’habitude de nier avec véhémence. (Voir note : “Pétrole pour voix”)

Cependant, les ressources de Petrocaribe ont eu des destinations au-delà de la « politique différenciée » que défend Ramirez. Des ressources multimillionnaires ont fini par faire gonfler les poches de dirigeants locaux ou entrepreneurs amis. Un des dossiers de grande envergure est celui de Félix Bautista, sénateur du parti gouvernant en République Dominicaine. Le parlementaire a été sanctionné par le Département du Trésor des États-Unis sous la Global Magnitsky Act pour présumé blanchiment d’argent venant de Petrocaribe. Des compagnies siennes ont été parmi les plus favorisées avec des contrats pour la reconstruction haïtienne et, conformément aux documents examinés dans le présent travail, ils ont aussi fait partie de complexes mouvements financiers desquels en sont sortis des apports pour campagnes électorales et figures politiques dans différents pays. Parmi eux se trouvent des fondations comme celle de Leonel Fernandez, ex-président de la République Dominicaine pendant trois périodes, ou des apports dénoncés à des personnages du gabarit d’Alejandro Toledo, ex-président du Pérou, l’ex-vice-présidente du Guatemala Roxana Baldetti, et Ricardo Martinelli, ex-président du Panama. Ces trois derniers sont poursuivis dans leur pays pour différents délits de corruption.

De toutes, la situation d’Haïti est précisément la plus aberrante. On peut y voir comment les ambitions de développement d’un des pays les plus pauvres du continent ont été littéralement volées. Le tremblement de terre de 2010 s’est converti en une opportunité pour démontrer encore plus la solidarité et aider à reconstruire le pays dévasté, pour ce faire ont été budgétisés plus de 2 100 millions de dollars. Mais le résultat est un inventaire de projets inachevés qui a provoqué des protestations dans les rues qui deviennent à chaque fois plus violentes et qui ont déjà fait sept morts. Dans leurs consignes, les haïtiens crient en créole « Kot kób Petrocaribe a ? » : « Où est passé l’argent de Petrocaribe » ? car ils savent que les ressources pour les logements, marchés, hôpitaux, collèges et autres projets avec plus de 400 actes dans lesquels ont été assignées les ressources sont arrivées mais, une bonne partie s’est retrouvée dans des poches privées.

Quand ont surgi des remises en cause publiques, des diplomatiques vénézuéliens ont répondu que le gouvernement de Nicolas Maduro se sentait content de l’exécution des projets dans le pays caribéen et il a même été signalé que des audits réalisés par le Venezuela avaient donné des résultats satisfaisants.

Des enquêtes parlementaires locales impliquent les ex-présidents d’Haïti, Michel Martelli et René Préval, pour prendre des décisions sans soutien technique pour assigner des contrats publics précipités. Ils montrent également du doigt l’actuel président Jovenel Moïse pour ne pas avoir la fermeté suffisante pour promouvoir des enquêtes et car comme entrepreneur avant son arrivée à la présidence il en a aussi profité. Selon ces recherches, le grand détournement de fonds implique plus de 40 personnes parmi ministres et directeurs d’autres entités de l’État. Même le fils de l’ex-président Martelli figure comme un des maillons clefs dans les contrats remis en question. « Nous demandons l’arrestation de tous les voleurs », dit une des chansons que répètent les haïtiens qui protestent dans les rues de Port-au- Prince. (Voir note: “Les chantiers fantômes que le pétrole a payé aux tout-puissants”).

Au Salvador les ressources de Petrocaribe ont été administrées avec le protagonisme du Front « Farabundo Martí » pour la Libération Nationale (FMLN), groupe politique qui a surgi des défuntes guérillas dans le pays centraméricain et qui, suite à être le parti d’opposition de gauche, il s’est converti en la première force politique avec des moments de majorité au Congrès et pendant deux périodes consécutives avec le contrôle de la Présidence de la République. Cela pendant la dernière décennie, coïncidant avec le flux d’argent que le Venezuela a envoyé.

L’enquête de #Petrofraude révèle que dans les coulisses, le principal maître d’œuvre dans la manière dont a été structuré la labyrinthique gestion financière des milliers de millions reçus est José Luis Merino, un des dirigeants clef du FMLN. Les transactions qui comprennent des centaines de versements à des comptes off-shore à des sociétés desquelles on ne sait pas qui sont ses bénéficiaires, a un épisode particulier pour le compte de transactions immobilières spéculatives à l’intérieur du pays même et lesquelles ont été révélées dans le présent travail.

Par exemple, l’une d’elle est un terrain où a fonctionné une station essence avec le drapeau « Alba Petróleos ». Après que le propriétaire original et les employés proches se sont échangés entre eux la propriété en deux transactions, le terrain a été acquis par une firme qui fait partie de la pieuvre entrepreneuriale constituée au Salvador pour gérer le pétrole vénézuélien. En quatre mois, l’immeuble est passé de coûter 85 500 à 1,3 millions de dollars, c’est-à-dire, 15 fois de plus que sa valeur. #Petrofraude a documenté des situations similaires pour une centaine d’immeubles. Dans la pratique, l’entreprise qui a géré la coopération vénézuélienne millionnaire opère principalement comme une société financière qui n’a pas hésité à offrir des crédits, dans quelques cas avec des garanties hypothécaires, pour 500 millions de dollars à 90 personnes et entreprises triées sur le volet. Les pertes ont été le dénominateur commun dans une gestion qui semble ne pas chercher les bénéfices sinon tout le contraire. (Voir note: “Le détournement des pétrodollars”)

Légende : José Luis Merino, dirigeant du FMLN et conseiller principal d’Albapes, est identifié comme une figure clef dans la gestion de la coopération vénézuélienne au Salvador/ LA PRESSE GRAPHIQUE SALVADOR

Mais la forme de corruption la plus généralisée a été sous formes desdites compensations, le schéma selon lequel les pays payaient une partie de leurs dettes avec des produits alimentaires. Sur le papier, cette idée non seulement garantissait la sécurité alimentaire au Venezuela, qui a au contraire eu le désapprovisionnement comme principaux labels au cours des dernières années, mais aussi qu’elle fortifierait l’industrie nationale dans chaque pays endetté. Cependant, l’enquête journalistique de #Petrofraude, démontre comment ce mécanisme s’est prêté à des triangulations, facturations à prix exagérés et jusqu’à des rachats de produits de pays aussi lointains que la Nouvelle Zélande.

Le manque de contrôle a permis que quelques-uns aient une prospérité inespérée grâce aux ressources du Venezuela, qui payait des produits dans de nombreux cas de faible qualité très au-dessus des prix internationaux en comparaison ave3c ce que coûteraient des produits de première qualité.

Par exemple, dans un des documents inédits révélés par #Petrofraude on voit un des commentaires de la main même du Président Nicolas Maduro : »Très urgent de concrétiser le plan avec le Nicaragua », juste à côté de sa signature d’approbation. Ce document a approuvé une offre d’importations de différents produits pour lesquelles a été accepté de payer des prix supérieurs aux références du marché ou à des prix qui dépassaient les moyennes des récentes décennies pour le pays. Parmi elles se trouvaient la viande bovine à presque 5 690 dollars la tonne, quand pendant les 20 années précédentes les meilleures moyennes d’exportation n’avaient pas dépassé les 5 000 dollars, selon les données officielles de ce pays.

L’opération approuvée par Maduro a fait partie d’un patron. #Petrofraude a documenté des paiements de 145 millions de plus pour l’achat de café d’une qualité douteuse vendu par le Nicaragua entre 2009 et 2013. « Ils savaient quelle qualité ils étaient en train d’acheter, maisqui va se plaindre au Venezuela ? », a confirmé Joaquin Solorzano, président de l’Association des Cafetiers de Matagalpla, zone où est produite la plupart du café nicaraguayen. Federico Argüello, président de l’Association d’Exportateurs de Café du Nicaragua confirme que le marché vénézuélien était particulièrement attractif par ses prix : « Ils payaient un différentiel supérieur à New York ». Sous le schéma des compensations, selon les données de Pdvsa auxquels a eu accès #Petrofraude, auraient été exportés plus de 2 700 millions de dollars à travers une entreprise binationale gérée par les gouvernements du Venezuela et du Nicaragua. Une grande partie de ceux-ci ont eu des différences de prix qui ont favorisé des intermédiaires proches du pouvoir.

Ils savaient quelle qualité ils étaient en train d’acheter, maisqui va se plaindre au Venezuela ?” Joaquin Solorzano, président de l’Association des Cafetiers de Matagalpa

Alors qu’au Nicaragua les producteurs ont été bénéficiaire de la manne pétrolière, leurs collègues vénézuéliens étaient victimes de contrôles qui les condamnaient à des pertes et à assister à la dépression du marché face au progrès des importations. »Les prix contrôlés par le gouvernement étaient toujours en-dessous des coûts de production », dit Vicente Pérez, caféiculteur et membre de la Fedeagro, la principale fédération de producteurs du Venezuela. « Le café nicaraguayen se payait à des prix premium mais était de mauvaise qualité ».Celle-ci est une des situations qui confirme à quel point ils s’en sont éloignés, étant dans la pratique des composantes clefs de cet ambitieux plan de coopération qui était supposé aider à vaincre la pauvreté.

Une tendance semblable à celle qui a eu lieu avec la compensation commerciale s’est passée en Guyane, le deuxième plus grand bénéficiaire du système. Alors que le Parti Progressiste du Peuple a géré le pouvoir ans ce pays, avec lequel le Venezuela a un différend frontalier, lui a été donné un traitement privilégié. L’organisation est apparentée au chavisme et a perdu le pouvoir en 2015, ce qui a provoqué la suspension des contrats. Pendant six ans ont été envoyés plus d’un million de tonnes de riz blanc et paddy pour le Venezuela en échange des prêts pétroliers. En 2010, par exemple, Caracas a accepté le devis de 700 dollars la tonne, alors que les acheteurs de l’Union Européenne acquéraient la même quantité pour 224 dollars de moins.

De cette manière ont été pillés des centaines de millions de dollars des vénézuéliens qui n’ont aujourd’hui paradoxalement pas de quoi approvisionner les garde-mangers avec les produits les plus basiques. (Voir note : “Le business qui a vidé les tables des vénézuéliens”)

Un rapport de la Banque Interaméricaine du Développement, publié en 2016, suscite de la perplexité pour la tendance des autorités vénézuéliennes à négocier un produit d’une grande valeur comme le pétrole, dans des conditions semblables pour un autre de moindre valeur comme l’est le riz. « Le plus grand bénéfice pour le Venezuela ne semble pas être économique », est-il signalé dans le texte, qui suggère que le plus grand profit est obtenu dans le domaine diplomatique.

Le plus grand bénéfice pour le Venezuela ne semble pas être économique” Banque Interaméricaine du Développement 2016 sur les exportations de riz guyanais dans le cadre de Petrocaribe.

Aucun porte-parole actuel de Pdvsa au Venezuela n’a donné suite aux sollicitudes d’information qui ont été présentées avec anticipation pour ce projet, ni non plus les impliqués directs tels que Merino, Bautista ou Francisco Lopez, l’homme de confiance d’Ortega qui a géré au Nicaragua la coopération pétrolière. Pour sa part, Rafael Ramirez a nié des gestions irrégulières ou du manque de transparence pendant sa gestion à la tête de l’entreprise entre 2004 et 2013. « Tout cela a été audité », dit l’ex-fonctionnaire. « Nos gestions ont toujours été sujets d’enquêtes. L’Inspection des Finances détectait quelque inconsistance, ils nous appelaient. Si notre audit interne présentait une inconsistance, ils nous appelaient. Si nos auditeurs fiscaux détectaient une inconstance sur quelque chose, je ne signais pas ».

Cependant, un de ces rapports d’audit révèle que le mécanisme commercial, dans lequel ont été échangés plus de 3 700 millions de dollars, n’a eu depuis sa constitution il y a une dizaine d’années aucun protocole de suivi adéquat. Le document, daté d’avril 2017, affirme que la Gérance Corporative des Finances Internationales, qui est au cœur su schéma, n’a pas formulé de règles effectives pour contrôler les processus.

Le conglomérat d’entreprises du côté vénézuélien chargé des compensations a été principalement géré par les militaires. Parmi les personnes clefs dans la gestion directe de ces opérations s’est distingué Asdrubal Chavez, cousin du président Chavez, et qui en est arrivé à être ministre du Pétrole ; et le défunt Bernardo Alvarez, qui est passé d’être le secrétaire général de Petrocaribe et de Caribe, filiale de Pdvsa qui est associé dans 12 entreprises binationale en rapport avec l’exécution des accords pétroliers dans le même nombre de pays de la région, à être ambassadeur auprès de l’OEA où il en est arrivé à être président de son Conseil Permanent.

Bernardo Alvarez a été une des figures clefs pour le déploiement de la pétro-diplomatie vénézuélienne sur le continent. /JUAN MANUEL HERRERA, OEA

Il reste encore à voir les sanctions pour les responsables d’une fraude si gigantesque. Cependant il se trouve que seulement maintenant est exposé de manière ample le complexe écheveau d’années de versements sans plus de contrôle. Pour le moment, la seule chose qui est claire est ce modèle vénézuélien d’exportation du socialisme prend l’eau, et avec la sécheresse en raison de la faible capacité actuelle de continuer à injecter des dollars à pleines mains, laissera au découvert les faiblesses d’un modèle qui est basé en grande mesure sur les ressources multimillionnaires du pétrole, d’un peuple qui souffre aujourd’hui de la faim.